L’histoire de chasse d’Hubert Goes
Fin septembre 1974, dans la Somme. Histoire Naturelle No 1. L’histoire de chasse d’Hubert Goes.
J’habitais encore chez mes parents à CONTY qui étaient agriculteurs dans la vallée des Evoissons. Cette première ouverture allait me permettre ENFIN de pratiquer seul. Je pensais avoir obtenu mes galons pour l’indépendance. Car depuis l’âge de mes sept ans je portais le carnier à mon père qui ne me ménageait pas et profitait souvent de ma bonne vue pour réaliser quelques exploits cynégétiques. Bien des fois j’ai vu des lièvres au gîte avant lui et nous nous déplacions pour les faire démarrer en espérant les tirer convenablement. Souvent je marchais en traquant pour lui.
C’était l’époque où en démarrant à neuf heures vous étiez déjà chargé d’un beau lièvre à 9h10. Vous deviez le porter à l’épaule jusqu’à midi en ayant ajouté quelques perdreaux. Il avait été décidé en famille, mon père donc, que je chasserai sur le territoire de FLEURY. Lui évoluerait sur celui de CONTY. Bizarre quand même d’accepter de me lâcher seul pour mon premier jour de chasse sur un territoire que je connaissais en porte-carnier mais pas en chasseur. En plus, cette société de chasse communale pratiquait le chaudron pour l’ouverture afin de concentrer son gibier sur ses terres et limiter les évasions qui auraient profité aux autres borduriers et étrangers.
Je reste persuadé que ce détail de chasse en groupe organisé avait fait fuir mon père. Il préférait son indépendance d’action. Lui qui connaissait le terrain et les habitudes du gibier, essentiellement perdrix et lièvres. Il souhaitait en disposer égoïstement sans partage notamment avec des actionnaires extérieurs à la commune.
Début de chasse
Je me suis donc retrouvé au milieu d’un groupe d’au moins 80 chasseurs. Plutôt guerriers et peu pacifistes, avec l’objectif de profiter au maximum de toutes les occasions, c’est l’ouverture. On sentait l’envie de récolter et de cueillir en respectant les quotas maximum fixés qui restaient très corrects. De mémoire, nous pouvions tuer le jour de l’ouverture, deux lièvres, six perdrix et un faisan, pour les pièces limitées et pour le reste caille des blés, pigeons ramiers, tourterelles des bois, lapins de garenne, etc … Le tir était sans limitation donc à volonté.
Tout ce gibier était sauvage, aucun lâcher n’était effectué et le deuxième remembrement n’avait pas encore sévit. En effet, le premier retraçage des parcelles avait œuvré pour obtenir aucune parcelle en dessous d’un hectare. Le puzzle diversifié des cultures offrait un biotope au top pour toute la faune et la flore. Toute la nuit qui précéda cette ouverture je dormis très mal. Des compagnies de perdrix composées de centaines d’individus me fonçaient dessus, je tirais, mal certainement, aucune ne tombait. Mon chien, un épagneul breton qu’un commercial (Mr ROELAND) avait donné à mon père un an avant et qui depuis était rarement détaché de sa cellule près du tilleul, m’accompagnait et en était très fier.
La chasse au chaudron
Le tirage des postes principaux pour assurer le bon déroulement du chaudron fut fait. Je me retrouvais entre deux fous furieux de la gâchette qui en souriant me certifiaient qu’ils feraient tout leur possible pour m’aider dans cette première attaque cynégétique. J’en doutais et j’en eu la confirmation à la première compagnie de perdrix qui démarra au milieu d’un champ de betteraves sucrières grâce à l’effort de ma douce épagneul appelée DIANE. Quinze perdrix qui partent à dix mètres en éventail vous tétanisent. Vous donnent une émotion difficile à surmonter et vous obligent à rester maître pour effectuer un tir correct.
Je tire sans viser, tout en surprise et deux perdreaux tombent. Mes deux voisins disposés avant les hostilités me disent devoir poursuivre la marche. Ils m’abandonnent seul avec Diane pour retrouver mes deux oiseaux que pour rien au monde j’aurais abandonnés. Eux tueront lièvres et perdrix jusqu’à midi. Ils ne reviendront pas l’après-midi car ils avaient leur quota mais iront sur un autre territoire.
« Au milieu et aux extrémités il se passait quelque chose »
Au bout de quinze minutes les perdreaux sont dans ma gibecière grâce à Diane. Là je me rends compte de la situation. Tout le monde court vers l’horizon. Ca tire loin devant, je pense naïvement que tout est parti et que le territoire est vide. Je décide de faire le tour des champs de maïs et là je découvre l’intérêt de chasser seul. De laisser ses instincts de Raboliot s’exprimer tout en pratiquant la billebaude. A chaque tour de champs de maïs, au milieu et aux extrémités il se passait quelque chose. Des perdreaux se rappelaient et se rapprochaient du bord. Avec Diane ils s’envolaient à portée et heureusement que je tirais mal sinon à 11h j’eus atteint le quota des six.
A midi, retour à la maison, déjeuner et découverte du tableau de mon père : deux lièvres quatre perdrix, un lapin et deux cailles. Et moi, tout en émoi et tout ému, je lui fis découvrir mes 4 perdrix et mon lièvre. Il me dit qu’il me restait des pièces à faire. A l’époque on ne félicitait pas et on cachait ses émotions. Pourtant j’aurais tant aimé lui raconter avec détails ma chasse et toutes ses bonnes surprises.
L’après-midi, la chaleur mis nos chiens à plat. Le gibier s’était rasé dans les chaumes, les betteraves et les luzernes. La chaleur prenait les odeurs et les coups de fusil se raréfiaient. Un chasseur au loin tira un énorme lièvre, un bouquin. Il le blessa et ce dernier rentra dans un champ de maïs près de moi. Diane le vit et se lança à sa poursuite. Cinq minutes plus tard j’entendis le Couic caractéristique qui confirme que votre chien serre sa proie et obtient son dernier cri. Même si ce n’était pas glorieux pour moi j’étais fier de ma Diane. Elle frétillait de fierté à la sortie du maïs avec son bouquin qui semblait lourd et épais.
L’histoire de chasse d’Hubert Goes
En traversant un champ de blé de printemps qui venait d’être moissonné. La paille n’était pas encore pressée et les andains offraient de longs tuyaux comme à BEAUBOURG. Subitement Diane se bloqua dans un arrêt digne des grands setters. Je restais très surpris et me demandais bien ce qui allait partir. Je me place face au vent et avance vers ma chienne transformée en statue. Rien ne bouge, c’est sous la paille, je pousse un peu de paille et je fais de bruit. Toujours rien, je suis à un mètre de Diane. Je ne vois toujours rien, je marche sur la paille, rien ne bouge. J’avance la main devant le nez du chien et là je sens des plumes. Je saisis l’oiseau sans le voir, il ne se défend pas. Je le sors de la paille et découvre un juvénile d’oedicnème criard qui ne pouvait pas s’envolait car immature.
C’est la seule fois de ma vie que j’ai rencontré cette espèce d’oiseau. Je m’en souviens encore même si les ignards qui ne le connaissaient pas se moquaient de ma culture. Je l’ai remis sous l’andain de paille. Nous sommes rentrés Diane et moi à la ferme pour nous désaltérer et revivre toutes ces émotions tout en pensant aux viandards que j’avais croisés et que je ne voulais plus voir. Ils ne méritaient pas de chasser et nous aurions dû les pourchasser. En souvenir de ma déesse Diane.
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